La communication à travers les âges, du bon usage du timbre et de la carte postale.

     Lorsque, dans les temps préhistoriques, les premiers hominidés comprirent le pouvoir étonnant de leur cerveau qui commandait des mains devenues habiles, il leur vint naturellement à l’esprit de profiter d’une telle découverte. Ainsi naquirent les échanges qui structurent les sociétés, le façonnage d’objets à offrir en cadeau à une partenaire afin de proroger sa lignée et bien d’autres méthodes qui distinguent l’homme de la bête. Quelques ères plus tard, Homo sapiens conçut l’idée novatrice et révolutionnaire de communiquer avec autrui en dehors de la présence effective de l’intéressé. Il améliora le cri déjà fort en honneur dans le monde animal, employa les signaux de fumée qui firent la réputation des Amérindiens, traça sur le sol et les parois des falaises des signes pour marquer son passage.

     L’humanité fit un grand pas culturel en prenant conscience de son destin par sa reconduction éventuelle dans des limbes mystérieux après son décès, lorsque l’enveloppe mortelle gît, inerte. Il fallut l’ensevelir, l’incinérer, voire la dévorer pour les peuples anthropophages. Avec l’âme, cette humanité en conceptualisation d’elle-même inventa les religions. Il était nécessaire à son équilibre psychique de communiquer avec les forces magiques. Aussi, outre les cérémonies qu’elle conçut pour l’occasion, inscrivit-elle sur les parois des grottes de son habitat des signes, parfois cabalistiques, souvent naturalistes par la représentation d’animaux sauvages. L’art rupestre était inventé, une sorte de communication directe avec l’au-delà.

     Bien des siècles plus tard, à l’apparition des royaumes puis des empires lors de l’Antiquité, les potentats éprouvèrent le besoin de trouver et de développer des moyens de communication afin de diffuser leurs ordres et d’affermir l’autorité indispensable à la gestion de leurs États. Les mythologies inventèrent des dieux et des déesses associés. Les Grecs, pères de notre civilisation remise en cause aujourd’hui par certains esprits chagrins, demandèrent à Hermès de couvrir par son envergure fabuleuse le commerce et les voyages, tout en figurant le messager entre les dieux de l’Olympe. Puis entre ces mêmes dieux et les pauvres humains. Les Romains reprirent à leur compte le démiurge en lui donnant le nom de Mercure. Que l’on se rassure, dans toutes les autres religions panthéistes, on retrouve une divinité à laquelle on attribua la fonction essentielle de pourvoir aux communications. Les religions monothéistes suivirent le mouvement. Les prophètes n’avertirent-ils pas de la venue du Messie ? L’ange Gabriel n’annonça-t-il pas à Marie l’impondérabilité du choix du Tout-Puissant à son encontre ?

     Les hommes s’ingénièrent à développer les possibilités de transmission. Aux réseaux commerciaux qui servaient de liens essentiels pour communiquer, il fut fourni des moyens matériels, plus ou moins en honneur suivant les cultures. Les osselets, les cailloux gravés, les petits blocs de pierre bien trop lourds, les tablettes d’argile plus pratiques, le papyrus de la civilisation du Nil, puis le parchemin en peau animale, enfin le papier de chiffon et de bois.

     La communication fut orale en partie. Il n’est qu’à se souvenir du brave soldat qui courut de Marathon jusqu’à Athènes en 490 avant J.-C. de façon à porter la bonne nouvelle de la victoire des Grecs sur les envahisseurs perses. Hélas, Phidippidès – le nom du héros – expira aussitôt après avoir délivré son message. La morale de cette histoire fut que l’on se servit désormais d’un animal pour couvrir les longues distances et préserver la santé du messager. Le cheval était choisi, non seulement parce qu’il s’agit de la plus belle conquête de l’homme, mais surtout pour ses capacités physiques. Et qu’il ne rechignait pas à la besogne, puisqu’il n’est pas doté de la parole pour protester du contraire.

       L’historiographie actuelle enseigne que l’existence d’un service structuré de courriers royaux fut inventé par le fondateur de l’empire perse ; Cyrus le Grand, VIᵉ siècle avant J.-C. Innovation reprise par un général de la Macédoine, Antigone le Borgne. Heureusement, il lui restait un œil pour prendre connaissance de la missive. Puis les pharaons égyptiens ne furent pas en reste.

    Sous nos latitudes, le service de la poste – puisqu’il faut bien l’appeler par son nom – fut très tôt conçu. Ceci, grâce aux envahisseurs romains, ces curieux latins qui couvraient les cuisses de leurs soldats d’une petite jupette. Rappelons que les Gaulois dans les temps immémoriaux préféraient combattre nus. Au moins, on ne pouvait ainsi les confondre avec leurs compagnes. Pour parler de la Poste, sujet de cette chronique ne l’oublions pas, ne ferons-nous pas référence au réseau qui couvrait la Gaule, inspiré par l’empereur Auguste dans les premières années de notre ère ? Les Romains étaient gens pratiques. Sur les chemins souvent pavés qu’ils édifièrent, ils employaient des chevaux tirant de légères carrioles pour le service rapide ou des bœufs tractant de lourds chariots pour le service lent. Ce dernier était dévolu aux seuls administrés. On s’en serait douté.

     Lorsque les invasions germaniques du Vᵉ siècle détruisirent l’empire romain, le service du courrier passa à la trappe, les Barbares jugeaient qu’ils n’avaient pas besoin d’intermédiaires pour apporter les mauvaises nouvelles. Ils le faisaient eux-mêmes.

     Les invasions musulmanes furent assorties d’un service postal, grâce à l’emploi de camélidés ou de mulets, à l’affrètement de navires. Mais aussi, développa-t-on un réseau de signaux lumineux, bien plus rapide pour les messages courts. L’emploi de pigeons se généralisa, mais l’emport du courrier était limité, même si l’on ne se servait plus des tablettes d’argile. Les Chinois, les Mongols reprirent la pratique, des réseaux de communication efficaces pour couvrir les espaces de leurs vastes empires. De l’autre côté de l’Atlantique, les Incas développèrent eux aussi un service similaire, ils employaient des cordelettes de couleurs assorties de nœuds pour délivrer leurs messages.

     En Europe, les premiers services postaux, inspirés des pratiques romaines, remontent au XIᵉ siècle. Les différentes royautés mirent sur pied (humain ou animal) un système plus ou moins efficace. Les Templiers ne furent pas étrangers à ces échanges entre l’Occident et la Terre sainte avec leurs fameux billets à ordre, les villes de Lombardie au XIVᵉ siècle développèrent le système en fondant la Compagnie des Courriers de la Sérénissime de Venise. Louis XI, pour la France, institue la première poste d’État vers 1464. Désormais, grâce à un système régulier de relais, de postillons et de chevaux, une lettre pouvait parcourir 250 milles (environ 400 kilomètres) en 24 heures. Il est à noter que les relais étaient en principe distants de 6 ou 7 lieues, une mesure qui donnera aux Bottes de Sept lieues du conte de Perrault toute sa noblesse.

     La pratique postale ne fera que croître à travers le monde civilisé, un service européen était même institué. Le labeur fut octroyé à des institutions étatiques, parfois privées pour pallier les défections gouvernementales. Peu à peu, le monopole d’État pris le dessus, ce qui avait le triple avantage d’empêcher la libre circulation de l’information, de permettre la censure des courriers et d’accentuer la propagande. Cela n’empêcha pas le développement d’une poste clandestine, punie avec les plus extrêmes rigueurs.

     Henri IV améliora le service, tandis que deux pratiques se concurrençaient. Pour la première, on employait les chevaux de selle ou estafettes, la seconde utilisait les diligences des voyageurs ; les malles-poste nécessaires aux plis volumineux et aux paquets. Colbert en 1664 établissait les « chaises de poste », une voiture hippomobile pour cet usage spécifique. Louvois fondait en 1672 la Ferme des Postes nécessaire à la correspondance sur longues distances. Pour la distribution à l’intérieur des villes, fut créée la « petite-poste ». En 1758, à Paris, existait un corps de 200 facteurs qui annonçaient leur passage au moyen d’une crécelle. Un peu comme les lépreux. Mais, depuis toujours, le prix de la course était acquitté par le destinataire.

     Pour la France, la poste moderne naissait au XIXᵉ siècle. D’abord, l’amélioration de l’état des routes, instruments essentiels pour le désenclavement des régions, permit aux courriers de parvenir à destination dans les meilleures conditions. Plusieurs créations importantes suivirent : le mandat postal en 1817, la lettre recommandée en 1829 pour Paris et 1844 pour la province. Le timbre entra en vigueur le 1er janvier 1849. Un bout de papier imprimé sur lequel le prix de la prestation était indiqué. Le décret avait été voté par l’Assemblée nationale le 24 août 1848, huit ans après le Royaume-Uni qui avait été l’instigateur en la matière. Il ne s’agissait plus de faire payer le destinataire, mais l’expéditeur. Une révolution dans les mœurs.

     Lorsque le réseau de chemin de fer fut introduit partout sur le territoire, les gouvernants instituèrent des trains postaux, du moins un wagon postal dans des convois particuliers. Au train de nuit, vint se rajouter l’aéronef. Dans les années 1930, les premières compagnies aériennes dévolues à cette activité voyaient le jour.

     En concomitance avec l’évolution de la pratique postale, vint se greffer à la fin du XIXᵉ siècle l’emploi et l’envoi de cartes postales. En principe, des petits bristols munis d’une illustration sur lesquels un court message pouvait être inscrit ; un prix réduit du timbre lui étant appliqué.

     Dès l’année 1900, le succès dépassa les espérances, l’imagination des plus optimistes. Plusieurs millions de cartes postales furent éditées, écrites, transmises. L’école de la République avait permis à toute la population de lire, chacun était à même de griffonner un petit mot à l’usage de son correspondant. Suivant son choix, une connaissance, un ami, un parent, son conjoint, ses enfants recevaient le courrier quelques heures à peine après avoir été posté. Quelqu’un de malintentionné à l’égard de la nouvelle façon de vivre pourrait ajouter que ce n’est plus guère le cas aujourd’hui…

     Fait nouveau jadis dans la correspondance. Celle-ci était assortie d’une illustration ou d’un cliché dont le sujet pouvait toucher des thèmes innombrables ; paysage, humour, amour, faits de société, caricature… Avant que les journaux ne mettent à leur Une des clichés pour illustrer leurs articles, les cartes postales montraient « de visu » des éléments particuliers de la vie d’ailleurs à des populations dont la pratique des voyages était alors très réduite. Voire inexistante. On sortait peu de son environnement immédiat à la Belle Époque.

     Partout dans le monde, la carte postale accrut le trafic postal de manière significative, extraordinaire. Des millions et des millions de petits cartons étaient ainsi transmis pour la plus grande joie des petits et des grands… et à la satisfaction des collectionneurs qui ne manquèrent pas, pour l’occasion, de s’inviter à la fête…

     Mais ceci est une autre histoire. 

          Serge PACAUD avec la complicité amicale de Jean RUBIO, adhérents de l’Amicale Landaise des Anciens de l’Air.

Tous deux, président et responsable du Club philatélique, cartophile et numismatique Montois.