MIRAGE F1
Assis sur le jump seat du Falcon 20 entre les deux pilotes, j’effectue une liaison entre RYAD et KING KHALED MILITARY CITY. KKMC est la place forte avancée de la présence française au cœur du dispositif DAGUET. Comme à l’accoutumée, nous avons décollé aux aurores. Souvent à notre retour de mission, nous retrouvons les clients de l’hôtel attablés au petit déjeuner. Eh oui, le commandement a choisi cette solution de l’hôtel afin de nous avoir à disposition permanente. Nous devons être les seuls militaires français à bénéficier de ce traitement de faveur. La différence notable entre les clients de l’hôtel et nous trois est que nous rentrons du front. Je précise que le Falcon 20 du GAEL est à la disposition de l’État-major DAGUET sous le commandement direct du général ROQUEJEOFFRE.
Ce matin là, nous sommes au niveau de croisière, la visibilité est excellente, l’équipage est détendu. Lorsque soudain sur la fréquence de détresse 121.500, nous entendons le message « Je ne vois plus mon équipier » puis « je fais demi-tour ». Débute pour nous une attente interminable, le pire est redouté. La sentence tombe après quelques minutes quand le leader annonce « il est là, je l’ai trouvé ». Nous sommes le 7 décembre 1990, le lieutenant Frédéric AMISSE vient de se tuer. Il avait 27 ans. J’apprendrai plus tard qu’il était Arpète de Saintes. Au retour nous sommes déroutés sur l’aéroport international de RYAD où est basé le détachement AIR. J’ai pu suivre les opérations de sécurisation de l’épave perdue au milieu du désert. J’apprendrai que les C160 TRANSALL n’ont pas l’équipement pour larguer des parachutistes sur zone. Il faudra attendre les moyens terrestres.
C 130 GUNSHIP
Un soir de décembre 1990, nous procédons au refueling du Falcon 20 sur le terrain de KKMC. Un C130 GUNSHIP vient se parquer face à nous et procède à la même opération. Pour qui n’a jamais vu cet appareil de près c’est une révélation. Ayant terminé le refueling du Falcon, je ne peux retenir mon envie de voir le GUNSHIP de près. J’ose et m’avance vers cet appareil mythique des terrains de bataille. Aucun américain ne m’interpelle et je peux faire le tour de l’avion sans être importuné. Je suis sidéré par la puissance de feu. Rien que sur la porte avant, j’observe le canon rotatif du célèbre A10 dit le tueur de chars. Sur la rampe arrière, on a un véritable canon. Il ne fait pas bon être sous son feu. Malheureusement, le 31 janvier 1991, l’un de ces appareils sera abattu par un missile irakien faisant 14 tués. Je ne saurais jamais, si ce sont ces hommes que j’ai croisés ce soir là mais j’ai toujours une pensée pour eux.
J’ai mis très longtemps avant de me décider à écrire ces quelques lignes. La mémoire des disparus mérite bien ce modeste témoignage.
Philippe HERVET