ATTERRISSAGE DE MONGOLFIÈRE – PRÉMICES DE L’AVIATION À POUYDESSEAUX

 

Il est aujourd’hui un événement sorti de notre mémoire collective qu’une recherche sur Internet a permis de mettre en lumière. L’événement se produisit au début du XXème siècle.

Le Président de la République s’appelle Armand Fallières.

Armand Fallières né à Mézin dans le Lot et Garonne, portrait officiel

Le Président du Conseil est Georges Clémenceau. La grande aventure de la mécanisation entame la révolution technologique du XX siècle. Les premiers battements d’ailes de l’aviation sont balbutiants. En France, Clément Ader occupe le devant de la scène avec sa fameuse chauve-souris. Mais, c’est aux Etats-Unis que les frères Wright vont décoller pour la première fois, avec un aéroplane propulsé par un moteur à explosion. C’était le 17 décembre 1903 en Caroline du Nord. Le vol se déroule uniquement en ligne droite, à seulement quelques mètres de hauteur. Il faudra attendre le 20 septembre 1904 pour qu’ils réalisent un vol en circuit fermé. En 1906 et 1907 ils n’effectuent aucun vol, les essais reprennent en 1908. Mi-juin de la même année, les frères arrivent au Mans dans la Sarthe. Mi-août l’avion est prêt, le premier vol des frères Wright en France a lieu devant un parterre de personnalités de la science et de la politique. En janvier 1909, ils s’installent à Pau Pont-Long, et crée l’école de pilotage. Le 1er janvier 1909, l’Aéro-club de France crée le brevet de pilote d’avion. Huit brevets sont décernés immédiatement sur titre, le brevet numéro 1 est accordé à Louis Blériot. Le 3 février Wilbur Wright décolle de Pau pour un vol de 7 minutes à l’altitude de 35 mètres. La puissance dérisoire du moteur imposait un catapultage. L’avion était disposé sur un chariot à galets qui coulissait sur un rail. Le 20 février, le roi d’Espagne assiste à un vol d’une durée de 28 minutes. Le protocole interdisant au roi de monter à bord, c’est le Comte de Lambert qui effectue un vol aux côtés de Wilbur Wright, il devient le premier élève de l’école Paloise.

Le roi d’Espagne à gauche qui ne volera pas en raison de son statut

Les Français ne sont pas inactifs et jouent plus qu’un rôle d’outsiders. Ader, Blériot qui traverse la Manche en 1909, Farman, Esnault-Pelterie occupent les terrains d’aviation. Ils sont pour la plupart membres de l’Aéro-club de France, un comité très élitiste. Le club mondain de l’époque où se croisent les grandes fortunes de France. Les aviateurs sont souvent aéronautes, car le sport en vogue est l’aérostation. Il est de bon ton de voler avec un marquis ou une grande fortune. Chaque vol est strictement répertorié, la presse se nourrit abondamment de l’actualité des airs. Les compétitions de distances sont dotées de prix et les journaux relaient les résultats. Les montgolfières diffèrent de celle d’aujourd’hui par le remplissage qui se fait à l’hydrogène. Les ballons de sport, ainsi nommés, coûtent entre 20 000 et 50 000 Francs or, l’équivalent de 6 voitures de luxe à l’époque !  Deux catégories sont représentées : la première jusqu’à 600 mètres cubes, et la seconde jusqu’à 900 mètres cubes. Le seul remplissage demandait un investissement à lui seul de 450 francs, à comparer aux récompenses des vainqueurs, bien souvent inférieures à ce chiffre. La France possédait le plus grand parc au monde de ballons, soit 1000 ballons civils auxquels il fallait ajouter les 150 ballons de l’Armée de terre. Le premier atelier de fabrication des frères Godart, se situait sous la gare d’Orléans devenue depuis Musée d’Orsay.

Le 29 mai 1909 le départ du concours aérostatique de printemps est donné à 17H45 depuis Saint-Cloud près de Paris. Les aéronautes vont voler toute la nuit au gré des vents. C’est le lendemain que le ballon « OISE » se pose à bout de souffle sur la commune de Pouydesseaux (Landes), au lieu-dit Rigoulet à 21H50. L’équipe composée de Jacques Delebecque et G Pentray a parcouru 577 kilomètres. Ils terminent seconds de leur catégorie des 900 m3 et empochent 200 francs. Il n’existe plus de trace à ce jour de l’événement aux archives des Landes. Seul témoignage, les écrits de l’époque repris dans le tome 2 de Serge Leroy intitulé : 1909, année de l’aéroplane.

Outre le fait aéronautique la personnalité du pilote attire l’attention. Jacques Delebecque est un aventurier écrivain célèbre. Nous lui devons la traduction de « Les Hauts de Hurlevent ». Il publie avec le Général Harpent un ouvrage : « Gambetta et la Défense Nationale » en 1934 chez Hachette ; « Gordon et le drame de Khartoum » en 1935 ; ainsi que « la vie du général Marchand » en 1949. Il publia aussi « A travers l’Amérique du Sud » en 1907, pays qu’il explora à plusieurs reprises. Il existe probablement d’autres ouvrages, mais c’est l’ambiguïté du personnage qui retient l’attention.

Jacques Delebecque fait partie des groupuscules d’extrême droite. C’est un antidreyfusard convaincu. Très tôt il adhère aux idées de Maurras et deviendra un pilier de « l’Action Française ». Il écrit divers opuscules dont « les fourgons de l’étranger » et « la première restauration » destinés à la mise en valeur des idées royalistes. Il devient administrateur délégué de l’action Française. En 1938, il écrit au Pape Pie XII pour implorer la repentance du mouvement et sa soumission à l’église catholique.  Cette levée interviendra le 19 juin 1939 par la réponse solennelle de Pie XII. Les activités de l’Action Française cesseront avec la collaboration de Vichy. En octobre 1944, à la fin de la guerre, Delebecque trouve refuge en Suisse pour échapper aux tribunaux d’épuration. Ces tribunaux sont aux mains des communistes, certains authentiques résistants mais plus souvent sous la tutelle des revanchards de dernière minute. La justice rendue n’a rien d’académique. La Suisse accorde un statut provisoire de réfugié politique à ces Français compromis dans la collaboration. Les années passent, en 1947 le gouvernement de Berne comprend que la France se satisfait de ne pas voir ces tristes personnages sur son territoire. Après l’heure de la vengeance, l’heure sera à l’oubli et l’obligation de reconstruire le pays primera toute autre considération. Finalement Delebecque obtiendra le 26 juillet 1949 un arrêt de la cour de justice de Lyon. Il rentre en France le 27 août suivant. Il meurt en 1957 à l’âge de 81 ans.

Il me semblait intéressant de relater l’événement qui fut probablement le premier contact de la commune, voire du département des Landes, avec l’ère aéronautique. La personnalité du pilote nous replonge dans l’histoire trouble de la collaboration et vient ternir la vie d’un Delebecque, qui sans cela eut paru attrayante. Pour référence, l’activité officielle de la Base de Mont-de-Marsan débute sur le terrain de l’hippodrome en 1911 par un meeting aérien, le commandant de la Base arbore le grade de Caporal !

Philippe HERVET